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La
miellée
(extraits de Nouv'ailes, AEAQ, Vol 4 no 1-2; Les trucs du métier)
Le truc de Louis Handfield
(Mont Saint-Hilaire):
Le plaisir de la miellée! Ah! Si vous saviez tout le plaisir qui se cache derrière cette façon de capturer certains papillons nocturnes. Le terme "miellée" est trompeur. En fait, je n'ai jamais vu quelqu'un utiliser du miel. Il s'agit d'un simple mélange d'éléments naturels, tel alcool, sucre, fruits fermentés, etc. Il n'y a pas de recette sacrée ou secrète. Je n'utilise pas toujours la même recette, j'essaie d'utiliser ce que j'ai à ma disposition. Disons que ma recette habituelle se compose d'un mélange de sucre (blanc ou brun), d'alcool (bière, vin ou alcool fort tel que rhum), de vinaigre de malt (naturel) et de mélasse. Je mélange le tout de façon à obtenir une pâte semi-liquide. Ensuite, avec un pinceau je badigeonne chaque arbre à la hauteur des bras à la brunante. Si vous installez votre miellée trop tôt dans la soirée, elle va sécher sur le tronc de l'arbre et sera moins attirante. Par contre, si elle est trop liquide, elle coulera le long du tronc et vous devrez alors capturer les papillons au sol, ce qui est plus difficile. Un de mes bons amis utilise quant à lui une autre méthode: il fait un mélange de bière, d'eau, de sucre brun, et un peu de vinaigre de malt ou de vin, s'assure que le mélange est très liquide et le répand sur les arbres au moyen d'un vaporisateur à pesticide, ce qui est très facile et surtout simple à porter et à utiliser. Je vous ai parlé de vinaigre: règle d'or, ne jamais utiliser de vinaigre blanc. Utilisez toujours des éléments naturels. Il semble que l'utilisation de produits chimiques ou d'essences fabriquées rend la miellée moins intéressante.
C'est toujours une passion que d'installer la miellée le long d'un sentier, d'une bordure de bois ou encore directement dans un boisé et d'y retourner pour capturer les trésors que la miellée y a attirés. Jamais il ne s'y collent. Comment ne pas s'émerveiller de la beauté de ces immenses Catocala installés au repas que vous venez de leur servir? Ils nous semblent encore plus grands que nature, les couleurs des ailes antérieures flamboyant à la lumière de votre lampe de poche! Souvent aussi vous remarquerez la luminescence des yeux, comme s'ils vous remerciaient pour un si bon repas!
Généralement, les arbres matures en bordure du bois donnent un meilleur résultat que ceux à l'intérieur du bois; si c'est un sentier que vous choisissez, les premiers et les derniers arbres seront généralement les meilleurs. Les arbres à écorce épaisse et forte seront meilleurs que les arbres à écorce lisse. Bien sûr, ce n'est pas toujours bon: les meilleurs moments sont le printemps jusqu'au 15 mai et la fin de l'été à partir du 15 juillet jusqu'à la fin de l'automne. Entre ces dates, ce ne sera pas fameux. Les nuits de pleine lune seront aussi moins bonnes, de même les nuits pluvieuses ou lorsqu'il y a grands vents. Si votre boisé est près d'une route éclairée, mieux vaut placer la miellée du côté non éclairé de l'arbre. De même, en cas de vent, placez votre miellée du côté protégé du vent. Faites attention en marchant dans le bois à faire le moins de bruit possible, à ne pas éclairer les arbre à l'avance car, ainsi, vous effrayez vos future captures. S'il y a plusieurs papillons sur l'arbre, commencez par celui le plus bas, vous avez ainsi une chance de tous les capturer. Si vous éclairez un insecte, ne parlez pas, ne coupez surtout pas le rayon lumineux et faites vite...
Vous serez émerveillés des merveilleuses captures que vous ferez ainsi. Mais ne vous découragez pas si la miellée ne fonctionne pas, car, voyez-vous, elle ne fonctionne pas à tout coup.
Cette méthode de chasse est surtout employée pour la chasse aux Noctuides, principalement les Catocala.
Vous pouvez de même préparer à loisir votre miellée à l'avance, comme un bon vin. Plus elle sera vieille et fermentée, meilleure elle sera. Le vieux vin, la vieille bière, les vieux fruits... tout cela bien mélangé. Laissez vieillir à souhait. N'oubliez pas d'indiquer la date de préparation sur chaque bouteille de votre fameux élixir.
Un dernier conseil: apportez-vous des piles de rechange pour votre lampe de poche et un linge humide pour vous essuyer les mains après l'installation de la miellée... et bonne chasse!
Récit de chasse avec la miellée
Un rêve s’est réalisé. Par Richard Denis
Depuis la capture de mon premier Catocala concumbens, le 14 août 1981, à Ville Lasalle, dans l’ancien golf de cette municipalité (qui n’existe plus pour permettre le développement de notre société ???), j’ai toujours admiré ce groupe de Lépidoptères. J’ai réussi à obtenir par échanges quelques espèces communes mais toujours avec autant d’enthousiasme. Oh! miracle, le 9 août 1988 à Covey-Hill, j’ai attrapé un Catocala ultronia.
Suite à l’article de NOUV’AILES (volume 4) janvier-juin 1993 , portant le titre "La Miellée" de M. Louis Handfield , je me suis amusé le 5 juillet à mélanger; bananes écrasées très très mûres, pour obtenir de la consistance, sucre blanc, bière dégazéifiée, jus de fruit, mélasse et vinaigre de framboise (au diable les dépenses). J’ai placé le tout dans un contenant pour laisser fermenter durant mon voyage de trois semaines en Équateur afin de tenter l’expérience à mon retour avec encore un peu de scepticisme vu mes expériences antérieures non fructueuses dues à des dates de chasse et une technique inapropriées.
Le 7 août 1993, je suis allé au RAFL à l’Arboretum Morgan. À mon arrivée à Ste-Anne-de-Bellevue, vers les 19 heures, j’ai profité de la période d’attente pour installer mon piège lumineux pour attirer d’autres Lépidoptères nocturnes. Vers 20 heures, j’ai étendu à l’aide d’un pinceau ma recette magique sur des arbres matures avec écorce dentelée et je me suis aussi risqué avec des arbres à écorce lisse (bouleau, poteau électrique) pour vérifier l’inefficacité de ces derniers. Aussitôt terminé, le soleil s’était couché et le ciel était multicolore. Je suis donc revenu vers mes premiers appâts. Initialement, j’ai éclairé en direction de ma cible pour admirer deux Catocala au repos, la clarté les effraya et elles s’envolèrent dans des directions opposées. J’ai tenté avec mon filet de les capturer, mais elles gagnèrent leur liberté. Instinctivement, mes réflexes furent aiguisés. Au deuxième arbre, je fus plus discret en éclairant ma lampe sous une pénombre; deux autres individus se régalaient du repas gastronomique. Avec mes 85 kilos, je me suis avancé comme un chat (il faut le faire) et j’ai posé mon filet directement sur l’arbre. Les deux victimes se projetèrent par en arrière pour tomber dans mon filet. J’ai alors senti un frisson qui me rappela mes premières captures de Dynastes hercules au Vénézuela, mon premier Papillon lune, qui par son vol me désarçonne à tout coup, la capture de mon premier Morpho sur une seule jambe en descendant un sentier avec une seule main disponible lors de mon voyage au Pérou, le passage des Fourmis légionnaires pendant des heures au Costa-Rica ...
Après la capture de quelques individus, j’ai constaté que cette façon de procéder leur faisait perdre leurs poils sur le dessus du thorax. Pour éviter cet accident, il est préférable de s’approcher doucement de vos futures victimes et de les capturer directement sur l’arbre avec un pot de poison pour ensuite les insérer dans une papillote. S’il y a plusieurs individus, commencez par attraper celui qui est au niveau inférieur. Si vous ratez votre coup, la patience est de rigueur (dites vous que vous n’êtes pas si mauvais cuisinier et vos clients reviendront).
Ma chasse confirma que les arbres placés en bordure du bois donnent un meilleur résultat que ceux de l’intérieur. Pour les personnes qui ne désirent point manipuler ce mélange collant , il existe d’autres recettes beaucoup plus liquides: (25% bière, 25% vinaigre, 25% mélasse, 25% sucre blanc) qu’il est possible d’étendre à l’aide d’une bouteille avec vaporisateur (bien rincer votre contenant à l’eau chaude ultérieurement).
Espèces capturées lors de cette chasse: 1 Catocala ilia; 5 Catocala palaeogama; 17 Catocala cerogama; 9 Catocala unijuga; 3 Catocala grynea; 5 Amphipyra pyramidoides; 1 Phragmatobia fuliginosa (piège lumineux ).
Merci à M. Louis Handfield pour les informations et à M. Sylvain Côté pour l’organisation des RAFL .
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